Un jugement de divorce marocain et ses conséquences procédurales devant le juge français
Chacun a droit de se marier et de rompre le lien matrimonial en France comme hors de France. Sans doute, une bonne nouvelle pour certains, mais cela n’est pas sans entraîner quelques interrogations et difficultés auprès des justiciables et de leurs conseils.
Une décision à vocation à entraîner des conséquences, mais cela ne sera possible que si elle entre dans l’ordre juridique où elle a vocation à produire ses effets. Là, est le vrai enjeu.
En France, il ressort d’une jurisprudence constante, que les jugements rendus à l’étranger sur l’état des personnes bénéficient en France d’une reconnaissance de pleins droit. Cela a en effet était consacré par la cour de cassation à l’occasion de deux arrêts importants. Par un arrêt de le première chambre civile en date du 28 février 1860, la cour de cassation a consacré le principe de la reconnaissance de plein droit d’un jugement de divorce prononcé à l’étranger. Par la suite, à l’occasion d’un arrêt de la première chambre civile du 9 mai 1900, les juges de la Haute Cour ont consacré la reconnaissance de plein droit de l’annulation d’un mariage prononcé à l’étranger.
Néanmoins, ce principe n’est pas sans limites, puisque dans certains cas la reconnaissance d’une décision qui viendrait « heurtait » de manière significative l’ordre public français ne pourra produire ses effets en France. C’est l’exemple des cas de répudiation, qui est une décision de rupture du lien matrimonial à l’initiative exclusive de l’époux, méconnaissant ainsi le principe de l’égalité entre époux.
Une autre précision doit être apportée concernant ce principe de reconnaissance de plein droit. En effet, si les décisions étrangères portant sur l’état de la personne bénéficient d’une reconnaissance de plein droit, les décisions qui impliquent des actes d’exécution matérielle sur des biens ou de coercition sur des personnes nécessitent de mettre en oeuvre la procédure d’exequatur. Toutefois, le pouvoir du juge de l’exequaturest borné puisqu’il ne peut et ne doit en aucune façon modifier les dispositions prises par le juge étranger, et cela même si celles-ci ont un caractère provisoire.
De ce fait, dans le cas d’un divorce, l’ex-époux qui souhaite obtenir l’exécution forcée de la décision étrangère afin d’obtenir les paiements de la pension alimentaire doit introduire une procédure d’exequatur.
S’agissant de la procédure d’exequatur pour un divorce franco-marocain, une convention bilatérale traite de la question; la convention bilatérale du 5 octobre 1957 relative à l’aide mutuelle judiciaire d’exequatur des jugements et d’extradition.
Au regard de cela donc, le jugement de divorce prononcé par le juge marocain bénéficie d’une autorité de chose jugée devant le juge français. Dans le cas, où la partie adverse essaierait d’introduire une nouvelle procédure en divorce devant le juge français alors que le mariage avait été dissout antérieurement devant le juge marocain, celle-ci se verrait opposer une fin de non-recevoir. Cela a été rappelé par la jurisprudence de la Haute Cour à plusieurs reprises; comme en témoigne l’arrêt de la première chambre civile du 10 juillet 1984.
Il faut rappeler que la dissolution antérieure du mariage à l’étranger fait obstacle à l’introduction en France d’une nouvelle procédure tendant à la dissolution du lien matrimonial que s’il était internationalement régulier et passé en force de chose jugée (Cass, Civ 1, 10 juillet 1984-n°83-10.738).
Mais qu’est-ce d’une fin de non-recevoir? C’est un moyen procédural, prévu à l’article 122 du code de procédure civile qui permet d’arrêter le débat sur le fond. Ce moyen procédural, peut être soulevé en principe en tout état de cause. Ainsi, l’autorité de la chose jugée n’a donc pas à être soulevée in limine litis (cass, civ 1,30 septembre 2003). Elle peut être soulevée pour la première fois en appel, sauf à démontrer de l’existence d’une intention dilatoire, qui exposerait alors son auteur au paiement de dommages-intérêts.
Dans le cadre d’une procédure de divorce, une question semble devoir se poser, celle de savoir si le juge conciliateur peut statuer sur la fin de non-recevoir à raison de l’existence d’un jugement de divorce prononcé à l’étranger.
La cour de cassation s’est prononcé à ce sujet dès 1991 ( cass, civ 1, 9 juillet 1991-n°89_13.940), reconnaissant le juge conciliateur compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir. Cependant, la décision du juge conciliateur ayant un caractère provisoire, celle-ci ne serait lier le juge du fond qui serait saisi une nouvelle fois de ce moyen de défense (cass, civ 2, 4 mars 1998-n°96-14.230).
BOUAGILA Cheinez, Juriste en Droit International
Master 2-Droit du contentieux international
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