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Hanane Hajji Avocat vous explique : Le droit à la preuve peut justifier l’atteinte à la vie privée du salarié

Le 08 décembre 2020
L'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve mais le droit à la preuve peut justifier l'atteinte à la vie privée du salarié si elle est proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, Mme M... a été engagée à compter du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau.
Par lettre du 15 mai 2014, elle a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 présentée exclusivement aux commerciaux de la société.
 
La salariée saisit donc la juridiction prud'homale.
 
La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 décembre 2018 déboute la salariée de ses demandes considérant le licenciement fondé sur une faute grave.
 
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la salariée rappelant d’une part l’exigence de la loyauté dans l’administration de la preuve et d’autre part que le droit à la preuve peut justifier l’atteinte au droit du salarié.
 
« 5. D'abord, si en vertu du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, l'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve, la cour d'appel, qui a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l'employeur par un courriel d'une autre salariée de l'entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme M..., a pu en déduire que ce procédé d'obtention de preuve n'était pas déloyal.
 
6. Ensuite, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
 
7. La production en justice par l'employeur d'une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n'était pas autorisé à accéder, et d'éléments d'identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée.
 
8.Cependant, la cour d'appel a constaté que, pour établir un grief de divulgation par la salariée d'une information confidentielle de l'entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l'employeur s'était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l'intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d'activité et qu'il n'avait fait procéder à un constat d'huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l'identité du titulaire du compte.
 
9.En l'état de ces constatations, la cour d'appel a fait ressortir que cette production d'éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires.
 
10.Le moyen n'est donc pas fondé. »
 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-12.058, Publié au bulletin