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Exemption pénale pour l’aide à l’entrée et au séjour d’étrangers: des précisions apportées par la Cour de cassation

Le 21 avril 2020

L’article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)  prévoit que : 

« Sans préjudice des articles L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l'aide à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger lorsqu'elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint ;


2° Du conjoint de l'étranger, de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, ou des ascendants, descendants, frères et sœurs du conjoint de l'étranger ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire {…} ».


Le 26 février 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les conditions de l’exemption pénale prévue par l’article cité ci-dessus. 

Les faits d’espèce étaient les suivants: un justiciable est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir transporté dans son véhicule deux ressortissants maliens et deux ressortissants libyens constituant une infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France. Le prévenu est alors condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis.


Cependant, le prévenu invoque le bénéfice de l’immunité pénale accordé à toute personne physique ou morale ayant apporté une aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger lorsque l’acte reproché, ne donnant lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte, a consisté à fournir une aide apportée dans un but exclusivement humanitaire.


La cour d’appel retient que le prévenu ne remplit pas les conditions pour bénéficier de cette immunité et le déclare coupable des faits reprochés. 


En effet, la cour d’appel soutient que bien que la démarche du prévenu n’a donné lieu à aucune contrepartie et visait à assurer le gîte et le couvert à ses passagers, ses propres déclarations, celles de sa mère et des migrants démontrent que le prévenu n’avait pas connaissance de l’éventuelle situation de détresse de ces derniers.


Les juges ajoutent que les déclarations du prévenu, selon lesquelles il aurait agi uniquement à titre personnel et non pour le compte d’une association d’aide aux migrants, sont démenties par ses autres réponses apportées aux gendarmes et par les données de l’enquête dès lors qu’il a précisé appartenir à une association qui apporte aide et assistance à des personnes étrangères en situation irrégulière, et connaître son responsable.


Ils en concluent que l’exemption pénale dont se prévaut le prévenu, sans que soient remises en cause l’absence de contrepartie directe ou indirecte ainsi que la motivation du prévenu d’agir selon sa conscience et ses valeurs, n’est pas établie, dès lors que la prise en charge de plusieurs personnes étrangères, en situation irrégulière, par le prévenu à bord du véhicule de sa mère avec la volonté de les transporter chez une autre personne n’a pas été réalisée dans un but uniquement humanitaire.


La cour d’appel retient que les actes litigieux sont dépourvus de toute spontanéité et constitutifs d’une intervention sur commande sans connaissance de l’éventuelle situation de détresse des migrants, qu’il savait avoir pénétré illégalement en France. Dans ce contexte, les actes du prévenu, se sont inscrits, de manière générale, dans le cadre d’une démarche d’action militante en vue de soustraire sciemment des personnes étrangères aux contrôles mis en œuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration.


L’arrêt de la cour d’appel est cassé par la Cour de cassation aux motifs qu’en se prononçant ainsi, celle-ci avait méconnu le texte susvisé et l’article 593 du Code de procédure pénale.


« En premier lieu, la situation de détresse des migrants n’est pas un élément visé par l’article L. 622-4 3°, du CESEDA.


En deuxième lieu, il ne résulte nullement de ces dispositions légales que la protection dont bénéficient les auteurs d’actes accomplis dans un but exclusivement humanitaire soit limitée aux actions purement individuelles et personnelles et qu’en soit exclue une action non spontanée et militante exercée au sein d’une association.


En troisième lieu, si l’aide apportée aux fins de soustraire sciemment des personnes étrangères aux contrôles mis en oeuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration peut constituer un but excluant son auteur du bénéfice de l’exemption prévue par l’article L. 622-4 3° du CESEDA, la cour d’appel, qui s’est abstenue de caractériser un tel mobile, ne pouvait se contenter de procéder par voie d’affirmation ».

Pour en savoir plus: 

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/33_26_44476.html